article | Temps de Lecture5 min

Histoire du trésor de la cathédrale d'Autun

Découvrez le monumental reliquaire destiné à abriter le corps de Saint Lazare.

La cathédrale Saint Lazare

Conçue comme un monumental reliquaire   destiné à abriter le corps de Saint Lazare, l’actuelle cathédrale d’Autun témoigne de la ferveur médiévale pour le culte du saint. Elle est construite dans la première moitié du XIIe siècle selon un parti emprunté au grand modèle clunisien de la  « maior ecclesia »   de saint Hugues. 

Son œuvre sculptée culmine au portail nord avec le tympan du Jugement dernier où le maître d’œuvre, Gislebert, nous a laissé sa signature.

La cathédrale a, depuis 30 ans, reçu les soins attentifs de l’État, son propriétaire. Ainsi, la totalité de l’édifice a été restauré entre 1991 et 2020, sans oublier les collections dont la mise en valeur inclut le tout récent aménagement du trésor !

La flèche
La flèche

Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

Aux origines de la construction

Les campagnes de fouilles archéologiques de 1985 démontrent la présence, en 313, à Autun d’une église « cathédrale » et d’une résidence épiscopale (ou « maison de l’Eglise ») sous le règne de l’évêque Rhétice sur les vestiges d’un vaste monument antique.

Du Ve au VIIIe siècle, parallèlement à l’évolution du rôle de l’évêque, dont le pouvoir temporel ne cesse d’augmenter, ces bâtiments sont agrandis et complétés, particulièrement sous les épiscopats de saint Syagre (560-600) et saint Léger (663-678). La cathédrale est ornée, à la fin du VIe siècle, d’une mosaïque à fond d’or et précédée, au VIIe siècle, d’un atrium du côté occidental.

Sous le siège épiscopal d’Etienne de Bâgé, le chantier d’une église monumentale, selon le grand modèle roman clunisien de la « maior ecclesia », est lancé afin de développer le culte de Saint-Lazare. Les prestigieux artisans du chantier de Cluny sont dépêchés à Autun pour la construction de ce nouveau sanctuaire. 

Cet évêque, très lié à l’abbaye de Cluny, s’y retirera en 1139 et sera même inhumé dans le chœur de l’abbatiale. Si elle n’inaugure pas les travaux, la présence du pape Calixte II à Autun, en 1119, permet une donation du duc de Bourgogne, Hugues II neveu du pape, du terrain nécessaire à la construction de la cathédrale.

Transept de la cathédrale d'Autun
Transept de la cathédrale d'Autun

© Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

Le culte du saint Lazare

La dévotion à Saint Lazare, évêque d’Aix-en-Provence au début du Ve siècle, se diffuse depuis l’Allemagne et l’Alsace jusqu’en Bourgogne dès la première moitié du IXe siècle. À Autun, cet héritage spirituel prend vie à travers un programme sculpté exceptionnel.

Sous la direction de l’évêque et des clercs, l’ensemble des sculptures de la basilique — les deux tympans monumentaux et les 70 chapiteaux historiés — déploie un véritable récit biblique. De part et d’autre de la nef, les scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament se répondent, illustrant la victoire du Bien sur le Mal. Ce chef-d'œuvre serait signé du maître d’œuvre Gislebert, dont le nom figure dans une inscription célèbre.

Peu après l’achèvement de l’église, un mausolée dédié à Saint Lazare vient compléter l’ensemble. Véritable « église en miniature » de 6 mètres de haut, il a été sculpté par le moine Martin, un artiste originaire de Vienne (Isère), actif au XIIe siècle. Ce monument propose aux pèlerins un parcours intérieur évoquant un épisode majeur : la résurrection de Lazare.

Salle du chapitre
Salle du chapitre

© Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

Le mécénat du cardinal Jean Rolin

Au fil des siècles, le développement du culte de Saint Lazare transforme l’église d’Autun. Dès le XVe siècle, l’afflux de pèlerins — notamment les plus fortunés, membres du clergé ou notables — entraîne la construction de chapelles annexes. Entre 1400 et 1515, ces ajouts viennent habiller l’église romane d’un écrin gothique flamboyant. 

Parmi les grandes figures de cette période, le cardinal Jean Rolin, évêque d’Autun de 1436 à 1483, joue un rôle majeur. Grand mécène, il est à l’origine de la construction de deux chapelles dédiées à Saint Vincent et à Sainte Geneviève. Il multiplie également les commandes d’œuvres prestigieuses : architecture, sculpture, peinture... Rien n’est laissé au hasard.

Grâce à lui, la cathédrale s’enrichit de trésors exceptionnels. Sa flèche, chef-d’œuvre d’ingéniosité gothique, et la tribune d’orgue figurent parmi les réalisations emblématiques de cette époque, malgré les pertes subies au XVIIIe siècle.

En 1480, le cardinal commande aussi un remarquable reliquaire en pierre de Tonnerre, probablement réalisé par le sculpteur Antoine Le Moiturier. Cette armoire-reliquaire était destinée à abriter le crâne de Saint Lazare — des éléments en sont aujourd’hui conservés et exposés dans le trésor de la cathédrale.

Reliquaire de Saint-Lazare
Reliquaire de Saint-Lazare

© Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

Le grand portail

En 1178, le chapitre  de la cathédrale d’Autun obtient du duc de Bourgogne, Hugues III, l’autorisation de construire un vaste porche devant l’église. Cet espace abrité a pour vocation d’accueillir les pèlerins, leur offrant un lieu de rassemblement et de prière sans qu’ils aient à pénétrer directement dans l’édifice.

Au XVIIe siècle, un monumental escalier est aménagé sous ce porche. Il sera encore élargi au XIXe siècle pour s’adapter à la largeur de la nef et de ses collatéraux, donnant à l’entrée de la cathédrale son allure actuelle, à la fois majestueuse et accueillante.

De nombreux chapiteaux du porche sont d’inspiration antique. Le tympan du portail principal a été miraculeusement sauvé des destructions révolutionnaires car il n’était, à cette date, pas visible. Durant les travaux de reconstruction et dans un souci de privilégié l’aspect roman de l’édifice, des enduits, murs, étages de tours sont enlevés.

La richesse des lieux réside dans le décor varié (pommes de pins, entrelacs, rinceaux de feuilles, signes du zodiaque…) du portail principal et ses chapiteaux (Conversion de saint Eustache, Agar et Ismaël chassés par Abraham, la présentation de Jésus Christ au Temps, Vieillards de l’Apocalypse louant le Seigneur...).

Au centre, le tympan du Jugement dernier, l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture romane, présente en son centre le Christ dans sa gloire. Il est entouré par la Vierge, les mains levées en signe d’adoration, et des saints et prophètes. On reconnaît notamment Saint Pierre portant les clés du Paradis et Saint Jean l’Evangéliste présentant un livre. Au linteau, sous les pieds du Christ, on distingue des corps sortant des tombeaux et séparés par des anges. 

La pesée des âmes est figurée en bas à gauche du Christ, où saint Michel aide à l’élévation des âmes jugées pour les introduire dans la Jérusalem céleste figurée par une fenêtre. En contrepoint, la zone occidentale accueille l’Enfer où sont précipités des damnés. En dessous, figure Saint Lazare en évêque, accompagné de ses deux sœurs, Marthe et Marie-Madeleine.

Christ en majesté du grand portail
Christ en majesté du grand portail

© Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

La nef menant au chœur

Le plan de la cathédrale est celui d’une croix latine. La grande nef et les deux collatéraux se terminent par trois absides    semi-circulaires. Du grand portail jusqu’au transept,   on compte sept travées,   puis deux entre le transept et les absides.

La nef de la cathédrale d’Autun impressionne par son architecture inspirée de l’Antiquité. Elle est voûtée en berceau brisé, renforcée par de puissants arcs-doubleaux, tandis que les bas-côtés sont couverts de voûtes d’arêtes plus légères.

Surtout, la nef abrite l’une des plus remarquables collections de chapiteaux sculptés de l’époque romane. Scènes bibliques, figures symboliques ou épisodes merveilleux y déploient un décor sculpté d’une richesse comparable à celui de la célèbre basilique de Vézelay. Ils ont été sculptés entre les années 1130 et 1145, et c’est en 1146 que les reliques de Saint-Lazare sont transférées depuis l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire. Ils gardent des caractéristiques propres comme l’allongement des corps ou le traitement des draperies.

Le chœur de la cathédrale d’Autun témoigne de plusieurs grandes étapes de transformation. À l’origine, le chœur roman accueillait au centre le tombeau de Saint Lazare, figure majeure du sanctuaire.

Au XVe siècle, sous l’impulsion du cardinal Jean Rolin, le chœur est profondément remanié dans le style gothique. De grandes baies à meneaux sont alors percées pour laisser entrer la lumière et magnifier cet espace sacré.

En 1766, les fenêtres basses sont murées et le tombeau de Saint Lazare détruit, afin d’accueillir un monumental décor de marbre et de bois sculpté et doré.

Chœur de la cathédrale Saint-Lazare
Chœur de la cathédrale Saint-Lazare

© Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

La salle du trésor

Véritable coffre-fort, cet édifice, construit par l’évêque Jacques Hurault en 1520, abrite le trésor de la cathédrale. On y accède par une remarquable porte flamboyante au niveau du bras occidentale du transept. Il se compose de la grande sacristie,   de la salle des archives et de la salle du trésor. Un escalier conduit, au premier étage, à la bibliothèque du chapitre. 

La grande sacristie est restaurée, par Lucien Magne, entre 1877 et 1879. On y trouve des vitraux ornés de rinceaux et de fleurs provenant des ateliers Eugène Oudinot de Paris.  Les lambris qui recouvrent les murs de la pièce sont complétés par un monumental chapier-chasublier   où sont conservés les quelques 700 ornements liturgiques textiles de la cathédrale, présentés en roulement dans les vitrines du trésor.

Les objets de culte
Les objets de culte

Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

Le trésor de la cathédrale

À l’origine, le trésor de la cathédrale d’Autun est étroitement lié au culte des reliques, notamment celles de Saint Lazare. Au fil des siècles, il s’enrichit d’objets précieux : reliquaires, statues en argent, vases en cristal de roche, croix ornées de pierres précieuses…

Mais ces trésors connaissent un destin mouvementé. Fondus au XVIIIe siècle pour financer de nouvelles créations en argent, eux-mêmes détruits pendant la Révolution, les objets conservés aujourd’hui datent pour l’essentiel du XIXe siècle.

Après la réouverture de la cathédrale à la suite du Concordat de 1801, de nombreuses pièces sont commandées ou offertes pour répondre aux besoins des cérémonies religieuses.

  • Parmi les ensembles les plus remarquables :
      Le service liturgique commandé par Mgr d’Héricourt (évêque de 1829 à 1851), réalisé par l’orfèvre parisien François-Joseph Bertrand-Paraud.
  • Les prestigieuses pièces acquises sous Mgr de Marguerye (1851-1872), dont une monumentale châsse reliquaire, un ostensoir probablement offert par l’impératrice Eugénie, ainsi qu’un reliquaire de la Vraie Croix inspiré des créations de Viollet-le-Duc.

À ces chefs-d’œuvre s’ajoutent de nombreux objets liés à la liturgie : calices, burettes, bâton cantoral pour la conduite du chant… autant de témoignages de la richesse et du raffinement des arts sacrés au service de la cathédrale.

La salle du trésor
La salle du trésor

© Centre des monuments nationaux / Moteur&Action

à découvrir aussi